La Fondation McKnight tient, du 24 au 28 février à Montpellier, la réunion annuelle de la communauté de pratiques d’Afrique de l’Ouest de son programme de recherche collaborative sur les cultures. A cette occasion, une cinquantaine de représentants de projets financés par la fondation McKnight au Burkina Faso, au Mali et au Niger, sont accueillis à l’invitation d’Agropolis Fondation. De chercheurs, bien sûr, mais pas seulement… Nous avons rencontré Fatoumata Ba Ama, chercheuse en nutrition à l’Institut de recherche en sciences appliquée et techno CNRST au Burkina Faso, Roger Kaboré, représentant de l’ONG Burkinabè AMSP et Bourama Diakité, de l’ONG malienne Association pour le développement des activités de production et de formation. Entretiens croisés…
Fatoumata Ba Ama : Je suis leader d’un projet intitulé « Child nutrition » qui vise à améliorer l’état nutritionnel des enfants en milieu rural. Au Burkina Faso nous sommes confrontés à une grande vulnérabilité alimentaire des populations. Les enfants, cible de notre projet, souffrent de multiples carences. Notre projet de recherche a pour but d’améliorer l’état nutritionnel des enfants de 6 mois à 12 ans. Une de ses spécificités tient au fait qu’il s’intéresse aux enfants au-delà de 6 ans, souvent laissés pour compte dans les projets d’appui à la nutrition infantile.
Roger Kabore : Je représente une organisation de producteurs du Burkina Faso : l’AMSP. Cet acronyme provient d’une expression en langue mooré, qui est un peu le slogan de notre association, et qui signifie « le savoir, la connaissance doivent venir en appui à la force physique des paysans pour plus de résultats ».
Bourama Diakité : Je travaille dans une ONG malienne, l’Association pour le développement des activités de production et de formation pour laquelle je coordonne le projet de Renforcement des réseaux de recherche dirigés par les agriculteurs pour améliorer l’innovation locale. Nous travaillons avec la Fondation McKnight depuis 2013.
Fatoumata Ba Ama : Il s’agit d’une réunion annuelle. Ici, nous présentons les résultats obtenus au cours de l’année et nous recherchons des synergies avec d’autres projets. Par exemple, pour la nutrition, la production entre en jeu (variétés, techniques de production, etc.). Il faut aussi prendre en compte la transformation. Ici, on rencontre les représentants de projets sur les sols, les semences, la transformation, etc. À l’issue de notre rencontre, j’aimerais pouvoir travailler avec tout ce monde-là, pour avoir un impact plus important. J’ai d’ores et déjà identifié des gens pas forcément au Burkina Faso, mais qui ont d’autres façons de faire au Niger, au Mali, j’ai appris de leurs présentations.
Roger Kabore : En tant que producteurs, ce type de rencontre nous permet d’avoir une idée des progrès en matière d’agriculture durable dans tous les pays. Nous sommes aussi intéressés par tous les domaines, tous les projets présentés, car différentes les problèmes et solutions sont abordés dans différentes dimensions. Nous attendons aussi de dire ce que nous pensons aux chercheurs en tant que paysans : que la franche collaboration entre chercheurs et paysans doit se poursuivre, que c’est la garantie du succès de nos activités, et que les résultats ne s’obtiennent que grâce aux interractions entre chercheurs et paysans.
Bourama Diakité : Nous travaillons beaucoup sur les innovations locales des producteurs, notamment cette année, sur des arrangements par rapport aux associations culturales (par ex : céréales légumineuses, sorgho- niebe, sorgho arachide). En participant à cette rencontre, je vuex informer les autres participants sur nos actions, mais aussi voir dans quelle mesure on peut trouver des synergies avec d’autres projets en matière de nutrition par exemple. On peut produire des biens alimentaires et, malgré cela, se trouver dans une situation de malnutrition. Notre projet financé par la fondation McKnight vise à mieux assurer le suivi de la production agricole afin qu’elle rentre dans l’alimentation des gens.
Fatoumata Ba Ama : Nos recherches nous ont appris que le principal blocage de l’amélioration de l’état nutritionnel est que les facteurs socio culturels ne sont pas pris en compte dans les projets. On a montré que, selon les différences ethniques, sociales, culturelles, les gens font des choix différents pour se nourrir. Il faut donc les impliquer dès le départ et prendre en compte leurs différences culturelles.
Roger Kabore : Nous sommes dans les activités de la fondation depuis 2006, on a capitalisé pas mal de connaissances. Nous souhaitons maintenant formuler des recommandations à l’endroit des politiques pour changer la manière de faire la recherche et la vulgarisation vis-à-vis des paysans. Une piste ? Nous pensons qu’on peut faire en sorte que les paysans soient formés à un haut niveau, pour devenir acteurs de la recherche, et non plus seulement les objets des recherches.
Bourama Diakité : Nous avons développé le compostage, à partir de matières organiques, pour la fertilité des sols. Un progrès très important pour nos sols qui sont dégradés. Nous avons également fait ressortir l’importance des associations culturales pour les cultures biologiques. Peu à peu les producteurs laissent un peu la monoculture. Nous avons pu travailler avec avec un réseau de producteurs, on les a accompagnés, suivis pour identifier les meilleures associations : 2 lignes de sorgho, une ligne de niébé a donné le meilleur résultat en termes de production.
Entretiens réalisés par Anne Perrin à Montpelllier (Agropolis international) le 25/02/20