Le Dr Leach est phytopathologiste, lauréate 2019 du prix scientifique international Agropolis Fondation_Louis Malassis. Elle est actuellement doyenne associée à la recherche du College of Agriculture de la Colorado State University (États-Unis) et membre de l’Us National Academy of Science.
Faire pencher la balance : résistance durable à de multiples agents pathogènes
Si l’on s’attend à ce que la population mondiale augmente de 2,4 milliards de personnes d’ici 35 ans, la production alimentaire mondiale doit augmenter de 70 %. Dans le même temps, 10 à 40 % des principales cultures vivrières sont perdues dans le monde en raison de maladies et de parasites.
Le changement climatique aggrave la situation : l’augmentation des températures environnementales entraîne une augmentation des maladies dans les cultures. Les pertes de riz sont particulièrement dévastatrices en raison de son importance dans les régions souffrant d’insécurité alimentaire.
"Au cours des 30 dernières années, mon groupe de recherche s’est efforcé d’améliorer la quantité et la qualité du riz en comprenant comment le riz résiste aux maladies. Nos travaux ont permis de définir comment les agents pathogènes bactériens provoquent les maladies et comment les plantes se défendent contre les attaques des agents pathogènes tout en subissant d’autres stress, comme les températures élevées. Ces découvertes contribuent à la mise au point d’un riz dont la résistance aux maladies est durable sur le terrain et efficace contre différents types d’agents pathogènes", déclare le Dr Jan Leach.
Bien qu’initialement efficaces, les gènes de résistance uniques sont fréquemment de courte durée, car les changements dans l’agent pathogène ou l’environnement rendent les gènes de résistance inefficaces. Alors pour développer des variétés de riz résistantes aux maladies, "les programmes d’amélioration des cultures se sont longtemps concentrés sur l’incorporation de gènes de résistance aux maladies", ajoute le Dr Leach.
Il est clair que pour réduire les pertes de récoltes dues aux maladies, de nouvelles stratégies étaient nécessaires pour compléter le développement de variétés résistantes.
Pour relever ce défi, le Dr Leach et ses collaborateurs internationaux ont étudié trois questions : "Premièrement, nous nous sommes demandé pourquoi certains gènes de résistance sont efficaces plus longtemps que d’autres dans les champs. Ce raisonnement a débouché sur un nouveau moyen de prédire la durée d’efficacité des gènes de résistance dans les champs avant le processus long et laborieux nécessaire pour introduire un gène dans des cultures largement utilisées. Deuxièmement, nous avons montré que l’amélioration de la façon dont les plantes réagissent aux agents pathogènes en général (appelée résistance basale ou quantitative) permet d’obtenir une résistance durable et efficace contre plusieurs agents pathogènes. Troisièmement, nous nous sommes demandé pourquoi les plantes sont plus sensibles aux maladies à des températures élevées. En étudiant les effets d’une maladie et d’un stress thermique simultanés, nous avons identifié des gènes qui permettront aux sélectionneurs de cultures d’améliorer la résilience des cultures à des stress combinés de maladies et de températures élevées", note le Dr Leach. Collectivement, ce travail a fourni des informations, des outils et des ressources qui guident la sélection de la résistance aux maladies.
La réduction des pertes de récoltes dues aux maladies est un élément essentiel de l’amélioration de la sécurité alimentaire mondiale. Très tôt, Jan et son équipe ont compris la complexité des stress simultanés, en montrant que le stress thermique augmente la sensibilité du riz aux maladies et en identifiant les sources de résistance qui sont plus efficaces à des températures élevées. Leur objectif est désormais de développer les informations mécanistes fondamentales nécessaires pour lutter contre les maladies dans un contexte de changement climatique.
La résolution des grands défis de l’agriculture nécessitera une main-d’œuvre internationale bien formée et bénéficiera de solides collaborations. "J’ai eu le privilège de former d’excellents chercheurs qui occupent aujourd’hui des postes dans des centres de recherche internationaux, des universités, des industries et des gouvernements. Ces chercheurs, ainsi que de nombreux collaborateurs internationaux d’institutions telles que l’Institut international de recherche sur le riz et l’IRD - Institut de recherche pour le développement (France) - ont contribué aux travaux récompensés par le prix international Malassis. Je suis fier que ces scientifiques extraordinaires poursuivent la quête de la stabilisation de l’agriculture dans un monde confronté à d’énormes défis environnementaux, et j’espère qu’ils apprécient le processus comme je l’ai fait", déclare le Dr Leach.